Pierr : "un étrange voyage"

" Mon chemin musical est lié à mon chemin humain. Je ne ferais pas tout pour faire ce métier… "
Paris, le 19/12/2001

Pour son premier album solo, aussi remarquable que surprenant, Pierr nous invite à un bien " étrange voyage ", entre musique électronique et chanson à texte, quelque part entre Prévert et Pink Floyd. Si son nom ne vous dit peut-être rien c'est parce qu'il a mis son identité au service du groupe vocal Pow wow avec lequel il a partagé le devant de la scène pendant 7 ans.

Plusieurs millions de disques vendus plus tard, et presque autant de rencontres marquantes, il nous reçoit chez lui, dans l'intimité de son appartement parisien. En exclusivité pour Transit il nous parle de son album sur le ton de la confidence, sans retenue ni fausse modestie s'excusant presque d'avoir du talent…

Rencontre avec un artiste d'exception… Morceaux choisis !

Transit : Qu'est ce tu as fait depuis que l'aventure Pow Wow s'est arrêté ?

Bertrand : C'est très long et très difficile de se recréer une identité surtout quand on se met, pas par volonté mais naturellement, en rupture avec ce qu'on était… Il m'a donc fallu pas mal de temps et de collaboration avec des musiciens pour que doucement revienne l'envie de faire quelque chose seul et surtout pour que je puisses re-visualiser une direction. Le groupe a quand même duré 7 ans et tu retrouves pas tes réflexes de solitaire si vite. Le déclic est venu quand j'ai décidé de passer en configuration home studio. Et là j'ai réellement commencé à rentrer dans l'album. La gestation de l'album a été assez compliquée à cause de certains évènements extérieurs à la musique, de l'ordre de la sphère privé, à gérer, dont d'ailleurs certaines chansons parlent… A la suite de ça, j'ai commencé à démarcher les maisons de disques. Mon travail a toujours été très bien accueilli mais ça a été difficile parce que ce que je fais aujourd'hui est trop différent de ce que je faisais avec Pow Wow.

De là, j'ai rencontré Didier Varrod qui s'occupe de la programmation de l'émission de Foulquier. France Inter a diffusé mes titres et je me suis ensuite tr_s vite retrouvé à faire la première partie de Franck Monnet aux Francofolies cet été. Les choses se sont enchaînées…

Transit : Tu es auteur et compositeur. Comment sont nées les chansons de ton album ? Tu pars de quoi ? Du texte ou de la mélodie ?

Bertrand : Je pars des musiques quasi systématiquement. Mais j'essaie de coller assez vite des textes dessus. Je me suis beaucoup appuyé au départ sur une recherche de son, une recherche d'ambiance. Une fois aboutie, elle déterminait une tonalité que je retravaillais à la guitare ou au piano pour avoir de vraies structures de chansons. Le problème des expérimentations sonores c'est qu'on finit par vite s'éloigner de la forme de la chanson et malgré tout ça fonctionne pas si bien que ça en français…
En plus j'ai fait une scène, donc le côté très intimiste de mon travail renforcé par le home studio s'est enrichi par la scène. J'en ai tiré des enseignements intéressants que j'ai essayé d'intégrer dans mon travail pour arriver à une synthèse. Comme j'étais très perdu, c'est par le son que je me suis retrouvé sur cet album.

Transit : Justement, comment tu " prends " ce nouvel album. Est ce que tu le fais tout à fait " sérieusement " ou " sans enjeu " ? Ce qui m'amène au format de la chanson. Pour toi quand tu crées une chanson, tu te fous du format, si elle fait 11 minutes elle fait 11 minutes ou est ce que tu te dis au bout d'un moment attention il faut que cette chanson passe en radio, donc pas plus de 4 minutes ?

Bertrand : Il y a deux choses différentes. Quand j'ai commencé cet album, je l'ai vraiment fait sans penser à rien, ni radio ni maison de disques ni scène. Je l'ai fait pour me retrouver, parce que j'avais besoin d'exprimer quelque chose de personnel et que j'avais des frustrations. Mes références musicales, c'est beaucoup de musique anglaise et c'est beaucoup de gens qui réfléchissent sur le son comme Peter Gabriel ou les Floyd…. Donc j'ai eu beaucoup de plaisir à bidouiller. Au départ c'est vrai que j'étais pas du tout formaté chanson. Mais au bout d'un moment, et c'est pas par rapport aux radios que j'ai raccourci, j'ai ressenti un truc qui me disait que si on s'éloigne trop de certaines règles, la chanson perd de sa force… Il y a un équilibre à trouver… La chanson c'est quelque chose d'assez figé dans sa structure depuis des siècles et on ne peut faire bouger des choses qu'au millimètre. Donc ça m'a ramené naturellement à des formats un peu plus courts. Par contre, toutes ces choses expérimentales vont être regroupées dans un album instrumental. A partir de certains des thèmes, des arrangements que j'ai développé sur cet album, il s'est crée deux chemins que je suis tous les deux…

Transit : Là tu parles de format de chanson en termes de durée mais moi je parlais plutôt de système de composition. Quand on écoute " My love is " qui est une suite de mots isolés, on a l'impression que tu as fait primer la musicalité du mot au détriment du sens du mot…

Bertrand : C'est vrai que sur quelques chansons, j'ai travaillé avec les mots comme j'ai travaillé avec le son, un peu à l'anglo-saxonne, un peu à la Prévert quand il fait son inventaire. Je voulais être parfois en dehors de la narration, être dans quelque chose d'un peu visuel et déclencher des images chez les gens à partir d'une sensation.

Transit : Quand tu es allé voir les maisons de disques pour faire écouter tes maquettes, comment as-tu présenté ton style ?

Bertrand : Au départ, les gens ne savaient pas définir ma musique parce qu'ils n'avaient pas encore entendu Benjamin Biolay et les gens de cette mouvance là. Et puis, ils s'attendaient à tout sauf ça de moi. Ils trouvaient ça élégant... Je crois que maintenant l'étiquette officielle c'est " chanson électro ". Moi j'ai juste essayé de faire de la variété, d'une manière personnelle comme ça se faisait quand j'étais un peu plus gamin, comme le faisait Christophe, Yves Simon… En fait cet album, c'est juste une série de chansons personnelles…

Transit : Tes chansons sont très personnelles mais se prêtent-elles vraiment à être jouées sur scène devant des milliers de gens ?

Bertrand : Au départ, je pensais réellement faire un album de home studio, d'ambiance sur lequel j'allais me développer et aborder sur un deuxième album quelque chose de plus ouvert sur le scène. Et puis il y a eu les Francofolies où je me suis retrouvé sur scène à défendre ma musique et ça a plutôt bien fonctionné… Il y a des chansons qui s'adaptent bien à la scène d'autres pas. Il faut juste être capable de changer sa musicalité au moment d'aborder la scène. On peut avoir envie d'une intimité, d'une retenue sur un album et on peut plus lâcher les choses en concert…

En tous cas, je ne vise aucun public en particulier. Mon album s'adresse à tout le monde, à tout ceux qui sauront se reconnaître dans mes chansons.

Pour en savoir plus sur Pierr, visitez son site web : http://www.pierr.com
Pierr, premier album solo : " Un étrange voyage ", à paraître très prochainement…

Alexandre Cecilia
Transit Magazine - Février 2002

 


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